LES FOURS A PAIN EN ARGILE
Issue 26
Les fours à pain en argile, par-delà leurs fonctions et finalités, sont l’un des moyens inventés par l’homme pour apprivoiser le feu et l’utiliser pour les besoins de la vie quotidienne. Les fours existent depuis les temps les plus reculés : les traces les plus anciennes, qui furent découvertes sur le site archéologique de la grotte de Klisoura, au sud de la Grèce, permettent de les faire remonter au paléolithique moyen (100 000-40 000 avant J.C.). On a également mis au jour sur ce site les vestiges de fours en poterie qui se trouvaient dans des strates datant du paléolithique supérieur (40 000-20 000 avant J.C.).
En terre de Syrie, les traces les plus anciennes de l’utilisation par l’homme de fours en poterie remontent à la période néolithique (8500-4500 avant J.C.), ainsi que l’ont montré les fouilles archéologiques sur le site de Basta, au sud de la Jordanie, où l’on a dégagé de nombreux fragments que Gebel a qualifiés de « tessons de tabouns (petits fours en poterie de forme verticale). D’autres vestiges de fours en poterie ont ensuite été découverts et sont même devenus parmi les témoignages les plus répandus des différentes époques qui mènent jusqu’à notre ère. Cela prouve que ce type de fours a été en usage de façon ininterrompue, au long des âges.
A côté du taboun, le pays de Cham (la terre de Syrie) a connu d’autres types de fours comme le tannour ou la waqqadiya qui se distinguent aussi bien par les matériaux utilisés dans leur fabrication que par la nature de leur fonctionnement. Chaque type de four semble avoir été répandu dans une région particulière. Dans les provinces de la Jordanie, par exemple, le taboun se rencontrait fréquemment sur les hauteurs tandis que la waqqadiya était caractéristique des vallées profondes (aghwars), ce qui peut s’expliquer par le type de combustible disponible localement, sans parler des contraintes climatiques. Il faut également noter que taboun et tannour peuvent coexister dans la même maison.
Si l’on compare les différents fours en poterie découverts sur les sites archéologiques et appartenant à des âges différents avec ceux aujourd’hui en usage, beaucoup de similarités peuvent être constatées aussi bien au plan de la forme que des matériaux utilisés, ce qui permet de supposer une continuité de la culture paysanne et villageoise au long de toutes ces époques.
Alors que la fabrication et l’utilisation de certains des fours en poterie comme la taboun et la waqqadiaya marquent, aujourd’hui, un certain recul et paraissent quasiment voués à disparaître, ceux que l’on connaît sous le nom de tannours continuent encore à être répandus ; on peut même dire qu’ils sont de plus en plus utilisés au plan commercial, dans les boulangeries aussi bien que dans les restaurants modernes. Cela s’explique, la plupart du temps, par le type de combustible utilisé dans chaque genre de four. Taboun et waqqadiya ont besoin de combustibles solides, matériau qui s’est raréfié en raison du recul de l’agriculture traditionnelle, alors que le tannour peut marcher, notamment, au pétrole ou au gaz.
Dhif Allah Mohamed Oubaïdat
Jordanie