LE DICTIONNAIRE DES TERMES ET EXPRESSIONS POPULAIRES AU BAHREÏN ET DANS LE GOLFE ARABE: Un travail remarquable, à la fois riche et novateur
Issue 31
Ali Abdallah Khalifa
Rédacteur en chef
Un effort sincère, fondé sur les valeurs arabes les plus authentiques, un profond enracinement dans le terreau de la nation, par-delà les appartenances ethniques ou communautaires, un travail acharné, poursuivi avec rigueur et dévouement : telles sont les marques de toute une génération qui s’est vouée à l’édification du champ culturel arabe, dans son ensemble, en assumant les profonds changements entraînés par les mutations culturelles de notre époque, notamment celles que les sociétés du Golfe arabe ont connues en passant de l’économie du marché perlier à celle du marché du pétrole, avec tout l’impact que celui-ci a pu avoir sur cette région du monde. Dans le domaine de la culture populaire, cette série d’évolutions a impulsé le travail sur le terrain, et donné naissance à une élite de chercheurs qui se sont résolument engagés au service de cette culture – une élite que nous pouvons aujourd’hui qualifier de pionnière, tant pour la compétence et la vaste érudition dont témoignent les productions que ces hommes nous ont léguées que pour la qualité de leurs ouvrages, devenus des références incontournables, notamment pour ce qui concerne la matière qui n’a pu être collectée ou enregistrée à temps,
ni, même, parfois, simplement reconnue pour telle.
Nous rappelons avec fierté l’œuvre de ces pionniers auxquels nous rendons hommage. Qu’il s’agisse du capitaine de bateau Rached ben Fadhel A’l Benali, du professeur Abdallah ben Mohamed ben Khamis, du grand éducateur Hamad ben Al Jassir, du professeur Abdelkarim Al Juhaiman, du cheikh Mohamed ben Ali An-Nassiri, de l’homme de lettres Abdallah Al Ta’i, du professeur Moubarak Al Khatîr, ou de l’historien Seif Marzouk Al Chamlan, ou encore de bien d’autres pionniers – et ils furent en grand nombre –, tous ont consacré de grands efforts à la consignation de ce qu’ils ont pu recueillir dans des ouvrages publiés qui font partie, aujourd’hui, des trésors de la culture populaire, au Golfe, cette grande province de la nation arabe qui fut un creuset où de nombreuses cultures se sont croisées et mutuellement enrichies pour former un des principaux affluents de la culture arabe mère.
J’ai personnellement feuilleté avec un ravissement sans bornes Le Dictionnaire des termes et expressions populaires au Bahreïn et dans le Golfe arabe, œuvre du professeur Mohamed Ahmed Jamal, un intellectuel de la présente génération qui s’est chargé de parachever le travail des premiers pionniers en documentant toute la matière relevant de la culture populaire à laquelle il a pu accéder. Ce dictionnaire de près de 500 pages de grand format recèle une matière encyclopédique des plus riches : informations, données récentes, récits, textes poétiques, mawwels (poésie mélodique traditionnelle), proverbes et dictons populaires et arabes, références diverses concernant le sens et l’origine de bien des termes et dénominations, bahreïnies aussi bien qu’arabes de la région du Golfe.
Le forum consacré à cet ouvrage qui s’est tenu au Bahreïn, sous la direction de l’écrivain koweïtien Yassin Al Hissaoui, en présence de l’auteur et avec la participation d’intellectuels, d’artistes et d’académiciens appartenant à ce domaine de spécialité, a donné lieu à une discussion aux multiples ramifications. Diverses réserves – inévitables s’agissant d’une entreprise à caractère encyclopédique de l’envergure de celle du professeur Mohamed Ahmed Jamal – ont été formulées, à cette occasion. Des remerciements ont également été adressés à la haute instance qui a décidé de financer sans retard l’impression de l’ouvrage. Quelques insuffisances formelles autour, notamment, des réalisations techniques et artistiques nécessaires liées à une entreprise encyclopédique aussi importante ont été pointées, insuffisances qui auraient pu être évitées par l’adjonction de quelques images et dessins, lors de la mise en forme finale de l’ouvrage. Les participants ont également souligné des lacunes au
niveau de la présentation matérielle de l’ouvrage, laquelle ne répond souvent pas aux normes de professionnalisme, notamment l’absence de toute mention du nom de l’éditeur et de la date de dépôt ainsi que de toute information au sujet d’un auteur qui est publié pour la première fois. Ces insuffisances, même s’il est indispensable de les pallier, touchent en fait à des questions de forme assez élémentaires, en définitive, et qui pourront être rectifiées dans la deuxième édition de ce dictionnaire.
Il reste que la matière présentée par l’auteur est riche et multiple et témoigne d’une expérience et d’un savoir très étendus ainsi que d’un effort soutenu de recherche, d’enquête et de vérification. Est-il utile de souligner que nous pouvons – nous qui sommes de la même génération que l’auteur et qui avons vécu des expériences similaires, mais en rapport avec des régions autres et en nous appuyant sur des références et des sources différentes – adhérer à une grande partie des thèses qu’il présente mais que d’autres nous laissent sceptiques ? L’essentiel est que toutes ces réserves ne touchent nullement à la valeur réelle de cet ouvrage d’exception que nous considérons comme l’une des publications les plus importantes qui aient paru, au cours des dix dernières années, sur la culture populaire dans la région du Golfe et dans la presqu’île arabique.
La Culture populaire considère, néanmoins, la publication de ce Dictionnaire – très important en soi – comme un premier essai éditorial. Il a été convenu au terme du forum consacré à l’ouvrage que la revue organisera bientôt un atelier spécialisé pour l’évaluer, avec la participation d’experts et de spécialistes qui dresseront une liste des points à revoir, des rectifications à apporter et des ajouts à introduire. La matière de l’ouvrage sera réexaminée en totalité, et seront ajoutés les dessins et les photos qui accompagneront les textes avec une autre qualité de réalisation. Le dictionnaire sera ensuite publié sous la forme de fascicules faciles à manier. Nous nous sommes engagés à mettre en œuvre cet atelier d’évaluation ainsi que de la réédition de l’ouvrage : c’était le moins que nous pouvions offrir à une aussi noble entreprise dédiée d’abord à la culture nationale bahreïnie.