Le Conte Populaire En Palestine Et Jordanie Identité Et Authenticité
Issue 11
Les religions anciennes ont diverses formes. Nous avons les discours adressés par les hommes aux âmes des morts, réincarnées dans celles des oiseaux : c’est là un patrimoine que l’on peut considérer comme fondé sur la « duplication » ou l’« écho ». Nous avons également le totémisme qui sacralise certains arbres ou certains animaux : l’arbre d’Oum al Charayet est toujours présent dans la mémoire de l’auteur et de ses congénères du village de Saris et de celui, voisin, de Beit Mahsir.
Quant au fétichisme, il part du principe que la partie recèle les caractéristiques du tout dont elle remplit les fonctions. Quelques exemples parmi d’autres : lorsqu’on brûle le poil du cheval ensorcelé, celui-ci est instantanément ramené vers les siens ; l’image et la personne d’un homme constituent une seule et même entité ; les os du petit oiseau vert lui sont rendus, après qu’il eut disparu, et lui réinsufflent la vie ; les noms contiennent la puissance de ceux qu’ils désignent, etc.
Pour la magie et l’ensemble des croyances qui y sont liées, on retiendra l’exemple des êtres métamorphosés en pierres ou en animaux et le mouvement inverse par lequel ils reprennent leur forme humaine. D’autres récits imaginaires, issus des religions des anciens ou des pratiques de la sorcellerie, reposent sur des procès opposant hommes et démons, dans le monde souterrain.
A côté de ces éléments puisés dans un fonds de croyances religieuses, on notera la place primordiale qu’occupent des coutumes remontant à la nuit des temps et se trouvant unies par un lien puissant au conte. Ce lien est en soi l’affirmation d’une existence et d’une identité nationales, contes et coutumes ayant un même substrat populaire.
Ainsi, la peur d’asperger d’eau le seuil des maisons, dès la tombée de la nuit, relève de la peur des âmes maléfiques et représente une survivance de la très ancienne croyance aux fantômes, aux maisons hantées et autres obsessions du même genre. Une autre influence, en rapport avec l’espace et le temps, est celle de la géographie naturelle avec son impact sur les différents types de contes que l’on trouve à travers le monde.
Ces éléments, venus des temps les plus lointains et dont les contes portent la trace toujours vivante, sont le meilleur témoignage de la très grande ancienneté de ce type de récits que les hommes se transmettent, en tant que croyances populaires à travers lesquelles ils expliquent la genèse de l’univers ou l’existence de certains phénomènes naturels.
L’étude du patrimoine populaire, dont le conte, nous permet de comprendre l’évolution des conceptions humaines, dans la région du monde concernée, pour tout ce qui se rapporte aux croyances tant anciennes que modernes. L’auteur a pu mener, dans son travail, une étude comparative sur un récit connu dans certaines régions de la Haute Egypte et que l’on retrouve à Lattaquié, au Liban, dans quelques zones rurales proches d’Al Qods (Jérusalem) et en Irak.
Ayant établi le texte de ces contes, en les rapportant chacun à sa terre d’origine, il les a segmentés sur la base de leurs constituants fondamentaux. Il s’agit de l’histoire d’un enfant orphelin dont on annonce au roi qu’il lui prendrait un jour son trône ; la prédiction finit par se réaliser, malgré tous les efforts déployés par le roi pour la faire mentir.
L’analyse des différentes occurrences du conte a permis de dégager sept constituants fondamentaux : le roi, la naissance, la prophétie, l’éloignement (de l’orphelin), le sauvetage, le second éloignement, la réalisation de la prophétie. L’auteur a ensuite cherché à reconstituer la forme primitive du conte ; il en a suivi le parcours historique