LA CULTURE DE LA PREEMINENCE DONNEE AU NOUVEAU NE DE SEXE MASCULIN AU BAHREIN
Issue 10
Nous ne savons pas à quelle époque exactement l’homme a pu exprimer le souhait que l’enfant à naître soit un mâle et rejeter l’idée même de donner la vie à un enfant de sexe féminin. Mais nous savons qu’il y a là une constante culturelle et que les hommes se sont mis, depuis les temps les plus anciens, à réfléchir aux modes de conception de l’enfant mâle et de l’enfant femelle ou, plus précisément, à se demander par quelles procédures « fabriquer des garçons».
D’observations en analyses, ils en étaient arrivés à créer des fables sur les mécanismes de « conception des garçons », puis à les utiliser pour ne plus « produire » que des enfants de sexe mâle. Ainsi, différents peuples ont-ils, depuis l’aube de l’histoire, oeuvré à développer les moyens les plus divers pour que seuls les enfants mâles viennent égayer leurs foyers. Les approches les plus complexes et les plus « évoluées » ont ainsi continué à se développer et à se diversifier jusqu’à nos jours. L’esprit humain n’eut de cesse, au cours des siècles, d’inventer les méthodes les plus étranges pour que seuls les mâles puissent venir au monde. Certaines de ces méthodes étaient liés à la nature de la nourriture, d’autres à la technique et aux heures « propices » à l’acte sexuel, d’autres encore à la satisfaction des désirs alimentaires, surtout lorsque ceux-ci deviennent paroxystiques chez la femme enceinte.
Parmi les documents les plus anciens traitant de la question du sexe du nouveau-né, nous trouvons des écrits de la Chine et de l’Egypte ancienne, vieux de plus de quatre mille ans qui décrivent diverses « techniques » permettant de connaître le sexe du foetus. Quant aux plus anciennes croyances sur la « conception » de l’enfant mâle, elles nous viennent de philosophes grecs, tels que Hippocrate, Aristote, Galien, etc. L’une des idées les plus répandues était que le testicule droit générait les enfants mâles et le testicule gauche les femelles. Elle est apparue au IVe siècle avant J.C.
et a servi à la mise en oeuvre de diverses « techniques » que les anciens considéraient comme étant les plus efficaces en la matière. Les Grecs ont pratiqué les mutilations les plus atroces, notamment l’ablation du testicule gauche, pour ne pas donner la vie à des enfants de sexe féminin. L’idée a, du reste, prévalu pendant plus de 2000 ans et a même gagné – jusqu’au XVIIIe siècle – l’aristocratie française.En ce qui concerne la culture populaire du Royaume du Bahreïn, elle témoigne de l’existence d’autres approches pour augmenter les « chances » de venue au monde d’enfants de sexe mâle. Ces approches, qui ne sont pas spécifiques à ce pays et se retrouvent chez bien d’autres peuples, peuvent être classées en deux catégories principales. La première comporte des idées en tout points semblables à celles prônées par les Grecs et dont Hippocrate, Aristote ou Galien se firent les défenseurs. Pour la deuxième, elle se fonde sur l’observation et la reconstitution de l’arbre généalogique de la famille de la future mariée. On y trouve des idées presque conformes, pour l’essentiel, aux découvertes les plus récentes de la génétique.
Certains seraient enclins à croire que, du point de vue de la science moderne, le sexe de l’enfant est déterminé par l’homme, celui-ci étant producteur de spermatozoïdes porteurs des deux types de chromosomes, X et Y, alors que la femme produit des ovules semblables et toutes porteuses de chromosomes X. Cette croyance n’est pas erronée pour autant que n’interviennent pas d’autres facteurs, liés à l’hérédité, qui entrent dans la détermination du sexe de l’enfant. Les recherches récentes ont en effet révélé l’existence chez l’homme et la femme de facteurs héréditaires qui font que la femme peut jouer un rôle dans la détermination du sexe de l’enfant, exactement comme l’homme peut intervenir, en fécondant l’ovule, soit au moyen d’un spermatozoïde porteur d’un chromosome X ou d’un autre porteur d’un chromosome Y. La porte est, dès lors, ouverte à toutes les spéculations, et l’homme pourra toujours trouver prétexte pour « faire porter la responsabilité » à la femme, chaque fois qu’elle mettra au monde une fillette.
L’existence de femmes donnant naissance à de nombreux enfants de sexe féminin, dans un société où prévaut la culture de la masculinité, ne peut que susciter de graves problèmes sociaux qui vont trouver un écho dans la culture populaire, quelle que soit la société concernée. L’étude montre que la culture (ou le culte) de l’enfant mâle n’influe pas seulement sur les relations conjugales et le destin de l’épouse mais, par bien des côtés, sur l’ensemble de la société, tant au plan des mentalités que des croyances. Elle a été à l’origine de nombreuses légendes sur différentes « applications de techniques de conception » des enfants mâles auxquelles un grand nombre de personnes prêtent foi. Ces idées sont même devenues partie intégrante de la culture populaire où elles occupent une place importante.
Hussein Mohamed Hussein(Bahreïn)