LE « TAHTIB » OU LE DUEL AU BATON

Il s’agit donc d’un duel entre des héros représentant des groupes sociaux, et c’est là l’essence commune d’un jeu qui fait que le « tahtib » constitue une donnée sociale centrale qui ne saurait être comprise, en dehors de la connaissance des réalités culturelles de la société en question.

De telles réalités nous aideront, en fin de compte, à mieux interpréter les coutumes, traditions, arts et littératures de cette société. Le « tahtib » a, en outre une teneur dramatique profonde qui nous renvoie aux notions d’héroïsme et de chevalerie, telles qu’illustrées par La Geste hilalienne. Certains des héros du « tahtib », qui perpétuent de façon innée cet héritage, témoignent clairement du fait que le « tahtib » trouve son origine dans les guerres hilaliennes. On peut, toutefois, déceler la dimension dramatique du « tahtib », de façon plus générale, à travers la lecture des gestes des peuples et l’étude des concepts populaires de chevalerie et d’héroïsme, en tant que ces concepts sont liés à l’idée de Bien, pris dans son sens absolu.

Ce type de duel au bâton a des origines anciennes qui nous font remonter jusqu’à l’Egypte du temps des Pharaons – lesquels le considéraient comme un sport violent opposant les plus braves. Ces jeux s’étaient, au départ, étendus à toutes les couches de la population, avant de devenir, au fil des siècles, des duels à l’épée réservés aux couches les plus élevées de la société, puis, retrouvant leur forme initiale, ils s’étaient répandus parmi les tribus et les petits paysans des zones rurales proches de la mer ; des écoles ont alors vu le jour où était enseigné l’art du duel.

Un examen attentif nous montre que le jeu appelé « tahtib » est le même, partout, et qu’il est, en premier lieu, régi par l’improvisation. S’il apparaît qu’une différence, dans la nature du jeu, existe chez tel joueur opposé à tel autre, les deux se mettent alors d’accord, dès le premier coup de bâton, sur la suite à donner à la partie. On peut également constater des variantes ou des divergences, mais qui relèvent de la logique ou de la vision du jeu.

Le contenu essentiel de la danse ou du jeu du « tahtib » est la virilité et la vaillance face à l’épreuve. Relever le défi est la caractéristique du véritable héros – celui du « tahtib » – et témoigne chez lui d’une double capacité : Premièrement : la capacité d’arracher la victoire ; deuxièmement : celle de la bienveillance et de l’esprit de conciliation, c’est-àdire la capacité d’être clément à l’égard de l’adversaire vaincu. Cette dualité est au coeur du « tahtib » et révèle la portée sociale, profondément enracinée dans la sensibilité populaire, de ce jeu. L’héroïsme continue à cet égard à être jusqu’à ce jour une source d’inspiration pour les chantres et les conteurs.

Houssam MOHSEB (Égypte)